Se eu soubesse a palavra,
a que subjaz aos milhões das que já disse,
a que às vezes se me anuncia num súbito silêncio interior,
a que se inscreve entre as estrelas contempladas pela noite,
a que estremece no fundo de uma angústia sem razão,
a que sinto na presença oblíqua de alguém que não está,
a que assoma ao olhar de uma criança que pela primeira vez interrogou,
a que inaudível se entreouve numa praia deserta no começo do Outono,
a que está antes de uma grande Lua nascer,
a que está atrás de uma porta entreaberta onde não há ninguém,
a que está no olhar de um cão que nos fita a compreender,
a que está numa erva de um caminho onde ninguém passa,
a que está num astro morto onde ninguém foi,
a que está numa pedra quando a olho a sós,
a que está numa cisterna quando me debruço à sua borda,
a que está numa manhã quando ainda nem as aves acordaram,
a que está entre as palavras e não foi nunca uma palavra,
a que está no último olhar de um moribundo, e a vida e o que nela foi fica a uma distância infinita,
a que está no olhar de um cego quando nos fita e resvala por nós,
– se eu soubesse a palavra,
a única, a última,
e pudesse depois ficar em silêncio para sempre…
in Uma Esplanada sobre o mar (Difel, 1986)
CET AMOUR
Jacques Prévert
Cet amour
Si violent
Si fragile
Si tendre
Si désespéré
Cet amour
Beau comme le jour
Et mauvais comme le temps
Quand le temps est mauvais
Cet amour si vrai
Cet amour si beau
Si heureux
Si joyeux
Et si dérisoire
Tremblant de peur comme un enfant dans le noir
Et si sûr de lui
Comme un homme tranquille au milieu de la nuit
Cet amour qui faisait peur aux autres
Qui les faisait parler
Qui les faisait blémir
Cet amour guetté
Parce que nous le guettions
Traqué blessé piétiné achevé nié oublié
Parce que nous l’avons traqué blessé piétiné achevé nié oublié
Cet amour tout entier
Si vivant encore
Et tout ensoleillé
C’est le tien
C’est le mien
Celui qui a été
Cette chose toujours nouvelles
Et qui n’a pas changé
Aussi vraie qu’une plante
Aussi tremblante qu’un oiseau
Aussi chaude aussi vivante que l’été
Nous pouvons tous les deux
Aller et revenir
Nous pouvons oublier
Et puis nous rendormir
Nous réveiller souffrir vieillir
Nous endormir encore
Rêver à la mort
Nous éveiller sourire et rire
Et rajeunir
Notre amour reste là
Têtu comme une bourrique
Vivant comme le désir
Cruel comme la mémoire
Bête comme les regrets
Tendre comme le souvenir
Froid comme le marbre
Beau comme le jour
Fragile comme un enfant
Il nous regarde en souriant
Et il nous parle sans rien dire
Et moi j’écoute en tremblant
Et je crie
Je crie pour toi
Je crie pour moi
Je te supplie
Pour toi pour moi et pour tous ceux qui s’aiment
Et qui se sont aimés
Oui je lui crie
Pour toi pour moi et pour tous les autres
Que je ne connais pas
Reste là
Là où tu es
Là où tu étais autrefois
Reste là
Ne bouge pas
Ne t’en va pas
Nous qui sommes aimés
Nous t’avons oublié
Toi ne nous oublie pas
Nous n’avions que toi sur la terre
Ne nous laisse pas devenir froids
Beaucoup plus loin toujours
Et n’importe où
Donne-nous signe de vie
Beaucoup plus tard au coin d’un bois
Dans la forêt de la mémoire
Surgis soudain
Tends-nous la main
Et sauve-nous.